De la folie de l’art
Un Collectif contre Exhibit B
s’est
constitué depuis plusieurs semaines en France pour réclamer l’annulation
de
cette exposition. Plus de 12800 personnes ont déjà signé la pétition dont
des
personnalités comme Maryse Condé, Françoise Vergès et Myriam Cottias.
J’ai
signé moi aussi cette pétition et je demande à tous ceux qui dénoncent
le
racisme d’en faire de même et de se rendre au Rassemblement prévu le 27
novembre 2014 à 18h devant le Théâtre Gérard Philippe pour dénoncer
cette installation à nos yeux raciste et attentatoire à la dignité
humaine.
Comment
peut-on dénoncer la folie et la barbarie de ses ancêtres qui ont chosifié pour
mieux les massacrer des millions d’autres êtres humains en recréant des
tableaux d’un exhibitionnisme et voyeurisme débridés qui sont attentatoires à la dignité des
victimes ?
Pour dénoncer les crimes coloniaux, les massacres et
l'horreur de l'esclavage, un artiste sud-africain dont l'inspiration est ici
morbide et décadente a cru, pense-t-il, ainsi que ses supporteurs, avoir trouvé
l'excellente idée d'exhiber des Nègres dans un zoo humain* pour que les
fascistes, les racistes, les néonazis et leurs apprentis d'Afrique du Sud, de
France et d'ailleurs puissent se délecter d'images vivantes de Nègres dénudés,
humiliés, soumis, chosifiés. Ces images dégradantes d'Africains sont-elles les
nouvelles prémices d'un vaste programme de néo-chosification des Africains
qu'on peut ou veut écraser ou même massacrer impunément? Dans une autre de ses
productions, on peut aller voir une femme noire en cage, bébé à la main,
s'asseoir devant elle et manger. S'il voulait vraiment combattre les horreurs
du passé, Brett Bailey aurait mieux fait de montrer comment une partie des
Européens a plongé dès le 15e siècle dans la plus grande folie meurtrière
criminelle, bestiale et inhumaine de l'histoire, au point d'utiliser les
nouvelles technologies militaires de l'époque à leur disposition pour
conquérir, assujettir, chosifier, exterminer, réduire en esclavage d'autres
êtres humains.
Ces criminels n'ont jamais été jugés, ils n'ont
jamais demandé pardon à leurs victimes et
à leurs descendants. Les Nègres de France et d'ailleurs ont le droit de
se demander en 2014, avec la recrudescence d'un racisme très violent et
animalisant en Europe et au pays d'Obama (Voir le livre de Serge Bilé et
Audifac Ignace qui a été boycotté par la presse nationale française à sa sortie
en novembre 2013, "SINGE, les dangers de la bananisation des
esprits"), si la loi du plus fort qui a prévalu en Europe à partir du 15e
siècle et connu le summum de son expression sous la forme du droit de tuer et
d'exterminer des peuples entiers au nom de la supériorité raciale du
"blanc", si cet âge d'or du crime impuni a vraiment disparu? Si,
disais-je, Brett Bailey avait voulu combattre les horreurs du racisme, il aurait
dû montrer d'abord ce qui a fait basculer dans l'absolue inhumanité certains
blancs, nous expliquer ce qui leur était arrivé, comment ils avaient cessé
d'être des hommes et des femmes pour devenir des négrophages, des cannibales.
Si Bailey nous explique cela, s'il parvient à nous le montrer grâce à son art,
il aidera l'humanité à éviter que des pages aussi sombres de l'histoire humaine ne se
reproduisent.
On nous dit qu'il est sud-africain et qu'il a été
témoin de l'apartheid, eh bien qu'en a-t-il retenu? De toute son œuvre, lui qui
est sud-africain blanc, dont les ancêtres et la famille ont sans doute profité
d'une société et d'un système qui ont tué et volé aux autochtones noirs leurs
terres, leurs richesses minières, leur liberté, lui qui a donc aussi vu le
combat et la résistance farouches des sud-africains noirs pour reconquérir leur
liberté, n'a pas vu que pour combattre le racisme, l'apartheid, les Nègres ne
sont pas restés assis, soumis comme il les fige dans ses tableaux vivants.
Pour dénoncer l'horreur de l'apartheid, B Bailey
devrait demander à ses compatriotes blancs d'Afrique du Sud de rendre aux Noirs
tout ce qu'ils leur ont volé par la violence. Cela permettrait à des millions
de Noirs de sortir de la misère et accélèrerait la fin du racisme.
Quant à son art, juste un mot; il est en complète
contradiction avec l'Afrique qu'il prétend défendre; son œuvre nous dépeint des
univers sombres, désespérants, morbides, décadents, loin d'une Afrique qui est
la jeunesse démographique du monde, une Afrique en pleine Renaissance qu'il n'a
pas l'air de voir ou qu'il refuse de voir.
Visiblement, ce metteur en scène dispose de grands
moyens financiers, pour produire des expositions attentatoires à la dignité humaine. Les projets valorisant l'histoire des
Noirs ne trouvent eux, jamais de fonds pour être réalisés, comme par hasard? Or
ce sont ces projets-là qui auraient aidé à combattre le racisme et les
préjugés. Il est temps de dire aux décideurs qui financent les projets
culturels que cela fait longtemps que nous avons compris leur jeu, nous savons
qu'ils ne veulent pas que le racisme et la négrophobie reculent.
Nous sommes en France, pas en Angleterre
où, dès que des milliers de personnes ont dénoncé Exhibit B, les autorités ont
pris la décision de l'annuler à Londres en septembre 2014! Comment
le festival d'Avignon a-t-il pu accueillir une telle installation qui bafoue la
dignité humaine? Au nom de l'art ??? A Poitiers, il y a quelques jours, on a entendu le directeur
du Théâtre Auditorium de Poitiers qui accueillait Brett Bailey le défendre. Mais il n'est pas seul. "La Ville de Poitiers soutient totalement cette exposition, apprend-on dans un article de 7 à Poitiers du 5 novembre: « Je l’assume politiquement, appuie Michel Berthier, adjoint à la Culture. Qu’un
groupe fascisant s’oppose à «Exhibit B» me paraîtrait plus
«compréhensible», mais là, il y a confusion. C’est un contre-sens ! Des
visites scolaires sont même prévues pour faire travailler les élèves sur
le colonialisme. » J'aimerais attirer l'attention de M. Berthier sur le fait qu'aucun fascisant ne demandera l'annulation d'Exhibit B, bien au contraire! Les néonazis ne peuvent qu'applaudir à l'idée que la ville de Poitiers soit engagée "politiquement" pour leur faire plaisir en soutenant une telle exposition qui est à mes yeux le nouveau visage du racisme sophistiqué que certains "laboratoires" bien dotés financièrement nous vendent en ce 21e siècle. Dans la finesse. Dans la subtilité... Au fait, M. Berthier, pouvez-vous nous dire combien la ville de Poitiers a payé à la société de production de Brett Bailey?
En région parisienne, "le 104 et le Théâtre Gérard-Philipe ont déjà assuré qu’ils ne plieraient pas sous la pression des pétitionnaires. "Programmer Exhibit B est un acte responsable", déclarent dans un communiqué un brin moralisateur, le directeur du Théâtre Gérard Philippe de St-Denis, Jean
Bellorini, et le directeur du 104 de Paris, José-Manuel Gonçalvès, qui confirment que "Exhibit B aura lieu. Exhibit B touche droit à
l'âme, dans sa conscience et bien au-delà", apprend-on sur FranceTVinfo***. Ces deux dirigeants accepteraient-ils dans leurs salles, comme le demande le sociologue anglais Kehinde Andrews dans le Guardian, "un Allemand qui souhaiterait organiser une
performance 'artistique' avec des juifs habillés en prisonniers, tatoués
sur les bras, enfermés dans un camp de concentration artificiel' ?, comme le rapporte France 24. Nous sommes nombreux à attendre leur réponse...
La France n'a t-elle plus d'Intellectuels? Ou bien
n'ont-il pas accès aux médias? A quoi servent alors les réseaux sociaux? On se souvient de Madame Taubira s'interrogeant
sur leur compte il y a quelques mois lorsqu'elle fut traitée de
"singe". Mais si les enfants de
moins de quinze ans en France peuvent regarder seuls le zoo humain de
Brett Bailey, comment chercher loin les origines de la résurgence d'un odieux
racisme? Comment s'étonner que ce soit une adolescente qui ait injurié la Ministre de la Justice à Angers?
Quant à Pascal Blanchard
qui défend bec et ongles ce zoo humain vivant et qui déclare dans une interview citée sur le
site web de France 24 « qu’il faut savoir montrer l’horreur pour mieux la
déconstruire", je lui répondrai qu’il faudrait avant de montrer l’horreur,
commencer par déconstruire la folie meurtrière des hommes en punissant les
criminels, en rendant justice aux victimes, en construisant une société
apaisée, en combattant les préjugés et leurs représentations et non en les
montrant à des enfants et à des parents blancs démunis et totalement ignorants
de l’histoire des Africains et de leurs contributions millénaires aux sociétés
européennes. Les descendants des victimes de ces crimes contre l’humanité se
sentent blessés par ce voyeurisme immoral et débridé qui permet aux racistes
d’assouvir leurs plus vils fantasmes.
Des Blancs n'auraient-ils pas le droit de défendre les Noirs, demandent certains? Oui mais pas tous. Pas les criminels restés impunis ni leurs descendants qui continuent à profiter des richesses obtenues avec le sang rouge de millions d'Africains razziés, déportés, réduits en esclavage, expropriés, colonisés, néo-colonisés... Fort heureusement dans l'histoire de France il y a des noms de personnalités comme l'Abbé Grégoire qui font partie de nos "Justes" à nous, qui ont défendu ou sauvé la vie de Nègres. Il en est de même pour Jacques Antoine Priqueler, capitaine des gardes du corps du Roi Louis XVI et tous les habitants de son petit village de Champagney en Franche Comté qui ont montré leur compassion pour la souffrance des Nègres en pleine apogée des razzias négrières et dénoncé en 1789 dans leur Cahier de doléances les horreurs de l'esclavage que subissaient les Nègres : "Les habitants et
communauté de Champagney ne peuvent penser aux maux que souffrent les
nègres dans les colonies, sans avoir le cœur pénétré de la plus vive
douleur, en se représentant leurs semblables, unis encore à eux par le
double lien de la religion, être traités plus durement que ne le sont
les bêtes de somme. Ils ne peuvent se persuader qu'on puisse faire usage
des productions des dites colonies si l'on faisait réflexion qu'elles
ont été arrosées du sang de leurs semblables : ils craignent avec raison
que les générations futures, plus éclairées et plus philosophes,
n'accusent les français de ce siècle d'avoir été anthropophages, ce qui
contraste avec le nom de français et encore plus celui de chrétien.
C'est pourquoi, leur religion leur dicte de supplier très humblement Sa
Majesté de concerter les moyens pour, faire des sujets utiles au royaume
et à la patrie". (Plus sur le site de la Maison de la Négritude de Champagney)
Un Français issu de Champagney aura jusqu'à la fin des temps la reconnaissance de tous les Nègres du monde. Il en est ainsi de ces braves et "Justes" Polonais de l'expédition Leclerc envoyée par Bonaparte rétablir l'esclavage à St Domingue (Haïti) en 1802 et qui ont déserté l'armée de l'oppresseur pour combattre aux côtés des Nègres insurgés de Toussaint Louverture.
Si Brett Bailey veut figurer dans cette honorable liste des "Justes blancs", il faudra qu'il change sa conception de la lutte contre le racisme. On aimerait d'ailleurs l'entendre: Est-il issu d'une famille de lâches ou de héros pendant l'enfer de l'apartheid?
Les victimes du racisme demandent le respect, la
pleine jouissance de leurs droits et la répression du racisme puisque nous vivons dans des États dits de droit. A la sortie
d’une exposition sur les zoos humains, une fois le spectacle de l’horreur
consommé, une témoin de Poitiers a vu des visiteurs pouffer de
rire. On voit bien que ce n'est pas l'histoire de la souffrance de leurs
ancêtres qu'ils étaient aller voir. Quant aux visiteurs bienveillants, venus "apprendre", il y a fort à parier qu'ils n’auraient que de la pitié pour les victimes.Or c’est la dernière chose que les Noirs attendent des descendants de leurs anciens bourreaux. Après le
paternalisme et la condescendance, épargnez-nous la pitié.
Messieurs Berthier, Blanchard, Bellorini et Gonçalvez savent-ils que les enfants noirs dans notre belle France
de 2014 sont confrontés au racisme dès la maternelle ? Et que cela démontre
l’échec de l’éducation nationale ? Puisqu’il est question de zoos humains,
c’est peut-être l’occasion de s’interroger sur le bien fondé des expositions
que Pascal Blanchard et l’ACHAC présentent dans des dizaines de villes et
d‘écoles en France.
"Exhibit B" programmé au Théâtre Gérard
Philipe de Saint-Denis du 27 au 30 novembre et au Centre culturel CentQuatre à
Paris du 7 au 14 décembre 2014.
Dieudonné Gnammankou est historien et mène des recherches depuis
plusieurs années sur l'évolution de l'image du Noir en Europe depuis quatre
mille ans. Il a dirigé avec Yao Modzinou l’ouvrage
Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siècle,
MAT Editions,
Toulouse, 2008, 420
pages.
-------------
Collectif contre Exhibit B
Communiqué de presse 14 novembre 2014
Le collectif contre Exhibit B demande aux préfets d’annuler l’exposition de Brett Bailey pour "atteinte à la dignité humaine".
Le collectif qui s’est formé pour s’opposer à l’exposition de Brett Bailey, exposition qui consiste en des tableaux vivants représentant, avec des figurants noirs, des violences coloniales, en appelle à l’Etat pour annuler l’exposition. La pétition sur change.org contre cette exposition a désormais dépassé les 2800 signatures, dont celles de Maryse Condé, Christine Delphy, Maboula Soumahoro, Myriam Cottias, Kenzy et Françoise Vergès.
Dans un courrier envoyé aux préfets du Seine Sainte Denis et de Paris, le collectif rappelle que la loi permet d’empêcher la tenue des évènements qui constituent une « atteinte à la dignité humaine » :
« La reconstitution de zoo humain ‘Exhibit B’ porte en elle une dérive raciste- négrophobe et par là-même représente une menace à l’ordre public liée à ‘l’émotion causée par l’atteinte
au respect de la dignité humaine’.
« Nous appuyant sur la jurisprudence du Conseil d’État qui avait, le 27 octobre 1995, validé l’interdiction d’un spectacle de lancer de nain dans la commune de Morsang sur Orge, estimant que cette représentation attentait à la dignité de la personne humaine, consacrée par la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine, que celle-ci devait être regardée comme une composante de l’ordre public, nous vous demandons solennellement d’annuler cette représentation. Représentation qui, en heurtant toute une partie de la population française, nuit gravement à la cohésion nationale. »
Bams, une artiste, membre du collectif, explique son indignation :
« Rappelons qu'aucun des acteurs noirs qui participent à ces tableaux n'a la parole. Non, bien entendu, nous en sommes privés. De plus que dire de cette reconstitution où le Blanc est inexistant ! Encore une fois, pas d'oppresseur dans sa version de l'histoire, juste le NOIR, pauvre oppressé victime. Toutes ces raisons constituent pour moi une insulte à la mémoire de nos ancêtres africains, dont toute la partie lutte est une fois de plus gommée, et surtout c’est une atteinte à la dignité de la personne humaine. »
John, enseignant d’histoire, déclare que « Dans cette exposition, le Blanc est le créateur et le public-qu’on-veut-faire réfléchir. Le créateur utilise des corps noirs pour qu’un Blanc parle aux Blancs. Et cela dans des villes multiethniques comme Paris et Saint Denis, avec de l’argent public ! C’est évidemment raciste et ne doit pas avoir lieu. »
Le collectif prévoit des actions lors de l’ouverture de l’exposition, si celle-ci n’est pas fermée.
Contacts : Bams 06 63 85 78 72 John 07 86 62 83 70 Franco 06 12 98 45 48 Penda 06 99 02 80 37
Facebook : https://www.facebook.com/contreexhibitB